Lussas, vu d’en dessous..

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J’ai connu le festival du documentaire de Lussas à ses débuts quand ça discutait si l’arrivée d’Arte était une bonne chose … 🙂
C’était bien, j’avais l’impression que je pouvais faire partie de ce monde-là des sympas documentaristes (parisiens pour la plupart) qui avaient les accès aux télés, etc…
Il m’a fallu un peu de temps pour comprendre que je n’avais pas les codes…
J’aime beaucoup la façon dont Co exprime son expérience de bénévole.
C’est à nouveau le point de vue de celui qui est en bas et qui regarde les choses à partir de là.
C’est ce travail que devrait faire les journalistes au lieu de se faire accréditer avec carte de presse en bandoulière.
Je suis toujours fasciné par le pourrissement qui, inévitablement ronge ce genre d’initiative. Au début c’est très sympa, on s’imagine que c’est prometteur de plein de belles choses, et puis, à un moment, on est dans la répétition et le pourrissement arrive…
Encore faut-il être capable d’en rendre compte.
Parce que là comme ailleurs si ceux et celles qui savent, pouvaient raconter…
C’est donc là le premier intérêt de ce texte

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L’expérience bénévole en régie:
L’année dernière, voulant rompre avec mon pèlerinage habituel à l’excellent festival de films de Douarnenez, je m’étais inscrit en bénévole pour découvrir le si célèbre festival de Lussas, nommé “États Généraux du film documentaire”.
Au mois de mai le coordinateur des bénévoles puis le chef régie m’appelle pour m’expliquer grosso-modo la mission. Il m’explique que c’est beaucoup de boulot la semaine avant le festival, libre sauf une journée pendant le festival, puis un démontage, beaucoup de chaises à déplacer, de la signalétique, etc…  C’est beaucoup de temps je réplique, mais je suis curieux du machin et je dis ok sur le principe, nous sommes au mois de mai et je suis en plein pendant un festival à Myrys, il y aura toujours le temps d’affiner plus tard (me suis-je dis naïvement)
Passe le temps. Je ne reçois aucun mail de confirmation, aucun appel, aucune info sur la programmation du festival.
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Mi-août je m’inquiète pour savoir si le festival a bien lieu. Oui. JE les maile : “Euh vous m’attendez ou bien ?”. Réponse : “Oui, oui lundi à 8h.” Même la pire boite d’intérim ne m’avais pas fait ça. “J’arrive mardi.” je réponds, “Un jour en retard, pfff..” me rétorque le chef régie. Je suis prêt à dire fuck, mais je suis curieux du machin.
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Je débarque donc le mardi après une route chaotique. Le soir j’arrive enfin au village, pas de réseau de téléphone, évidemment il était inutile de me le signaler. Personne, pas de rendez-vous. Après avoir demandé à plein de monde dans le village, je tombe enfin sur des gens du festival. On se retrouve, blabla présentation, pas d’excuses, pas d’explications sur ces débuts. Un autre régisseur qui avait fait le festival l’année dernière avait appris en arrivant que cette année ils étaient hébergés en tente, merci de prévenir.
Commence enfin la semaine. Pas de plannings prévus pour les petits padawans régisseurs, un travail assez intense, des journées longues et fatigantes. Quelques répliques (jamais à moi directement) :
“Si t’es pas contente tu plie ta tente.”
“Ce que vous avez fait c’est de la merde.”
“On voit bien que t’es pas régisseur d’habitude.”
“Pour nettoyer l’école, bon les filles.”
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La régie est menée depuis 3 ans par cette équipe donc. Un chef d’entreprise paternaliste qui s’est récemment converti dans l’audiovisuel. Aujourd’hui son activité est entre autre de louer des drones qui embarque des caméras. Il ne connait pas le monde des festivals, ni du cinéma, parle du festival comme ses clients. “Mes clients”, “Mes clients”, “Enfin quand je dis mes clients c’est aussi des potes, ils sont super sympas”.
Arrive le temps du festival, on nous a mobilisé la moitié du temps du festival. Une soirée de surveillance de parking a été particulièrement éprouvante, surtout par manque de souci du travail des bénévoles. Je suis resté toujours curieux du machin, mais mes nerfs commençaient à flancher.
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Le temps du démontage a été très rapide. J’attendais avec impatience le moment du bilan. On en parle entre bénévoles de la régie, tu veux dire quoi toi, moi ça, etc. Arrive le jeudi matin, on va au bilan, oui enfin, “ils” les chefs vont au bilan avec les responsables du festival. Nous le bilan ce sera lors de la poignée de main pour se dire au revoir. Là j’ai craqué. Je suis parti le jeudi matin en même temps que cette jolie réu-bilan des chefs.
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J’ai écris un mail ensuite de bilan, que j’ai essayé de dépassionner, il a été relu par 2 autres personnes. La réponse 1/4 d’heure plus tard “Dis donc pour quelqu’un qui arrive un jour en retard et qui part comme un voleur, tu n’es pas chié.”
Le festival de Lussas
Il est un peu à l’image de cette expérience. Ce festival est suffisant. Il se suffit à lui même.
Il se suffit en termes de bénévoles. Il est tellement connu que beaucoup de jeunes étudiants en master documentaire viennent pour participer. Il peut se permettre d’être méprisant envers ces petites mains, il en viendra toujours. Je précise que j’ai entendu 3 autres récits de très mauvaises expériences bénévoles à Lussas dans d’autres équipes.
Il se suffit en terme de public. Le festival ne veut pas des autochtones du sud-Ardèche. Suite à une édition qui avait vu beaucoup de jeunes ardéchois venir profiter du festival, du bar en premier lieu, plus aucune affiche n’est diffusé dans les villages alentours.
Le public vient de toute façon, il est fait des professionnels du documentaire, réalisateurs, producteurs qui vivent plutôt dans les grandes villes, les parisiens, lyonnais, marseillais, toulousains viennent à la campagne le temps d’un festival faire leur Avignon du documentaire.
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Une section master documentaire existe dans le village.
Réflexion d’un étudiant : “C’est vrai que le territoire (l’Ardèche) s’épuise en terme de sujets.” Merci pour le mépris envers les habitants du coin. Réflexion de la responsable du master : “Soit tu fais parti des artistes soit tu fais parti des larbins.”
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Il a fallu attendre la 25e année (l’année dernière) pour qu’il y ai un travail de développement des publics. Une bénévole de longue date a proposé de faire découvrir le documentaire pour le jeune public. “Ah oui pourquoi pas.”
Je reconnais au festival :
Avoir transformer ce petit village en un grand rendez-vous du documentaire.
Une maison sur deux est dédiée au documentaire, maison du documentaire, Africa’doc, ..
Avoir une immense base de donnée, classée et accessible pendant le festival.
Plus globalement
Dans le monde du cinéma il y a une fâcheuse tendance à mettre en avant un ou deux personnages clés, totalement sur médiatiser au mépris des petites mains qui œuvrent aussi à la réussite du “machin”.
Il y aura toujours UN réalisateur du court-métrage ou long-métrage qui a fait un film formidable alors que la 1ère assistante ou la scripte ont souvent bossé 3 fois plus pour la réussite du “machin”
Il y aura toujours quelques programmateurs qui auront organisé un formidable festival, … (sauf que ton cul il est sur une chaise et les 500 autres de la salle ont pas été installé par lui – ni tout le reste)
Lussas est un paroxysme de ça.
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